Le Unsound à Cracovie est un festival de 7 jours où se produit tout ce qui se fait de plus hot et hype en ce moment dans le milieu de la musique (essentiellement) électronique.
Le festival est pour ainsi dire l'exemple type de ce qu'un festival doit être en 2015 :
- On peut y voir les artistes les plus intéressants du moment à l’œuvre ;
- Des panels de discussions, des conférences et des rencontres avec des artistes y sont organisés quotidiennement ;
- Il s'y donne également des workshops, des cours de yoga (Laraaji) et des sessions d'écoute ;
- Une station radio diffuse tout au long de la semaine des sessions Unsound ;
- Le festival commissionne de nouveaux projets autour de collaborations inédites entre artistes. Powell s'est ainsi confronté à Lorenzo Senni et pour le projet « Gregidency », Greg Fox (batteur de Liturgy) a joué avec 5 artistes dont ni lui, ni le public ne connaissaient l'identité à l'avance ;
- S'y tient aussi une exposition du graphiste attitré du festival.
À cela s'ajoute le fait que les concerts sont organisés dans des lieux inattendus à travers la ville. Dans une mine de sel, à 135m de profondeur, dans une ancienne usine, un club d'étudiants historique, le nouveau centre de congrès ICE, le musée des arts japonais, un vieux dépôt de trams, une synagogue,...
Et ce qui rendait cette édition du Unsound encore plus unique, c'était son thème: Surprise. Plus de la moitié des noms des artistes n'étaient pas connus avant leur montée sur scène.
En plus des concerts « standards », se tenaient aussi des concerts en matinée les mardi, mercredi et jeudi. À partir du jeudi soir et pendant 4 soirs d'affilée, des concerts ou soirées étaient même organisés à l'Hotel Forum, un hôtel entièrement dans le style du bloc de l'Est des années 70.
Plus de 100 artistes se sont produits cette année au Unsound, mais vous retrouverez ci-dessous une liste de ceux qui nous ont le plus surpris, qui nous ont pris aux tripes, nous ont fait danser ou nous ont donné le plus de frissons.
Avec son blues improvisé sur une guitare acoustique à 4 cordes, l'Américain Bill Orcutt a fait briller les étoiles dans le ciel de Rotunda. Après lui, Fis suivi de Helm (avec danseur) ont tous deux livré des sets d'une électronica ultra sombre et envoûtante.
Allessandro Cortini, l'homme derrière les synthés de Nine Inch Nails, a mis toutes une salle à ses pieds. Il nous a offert un concert puissant, fait d'arpèges analogiques au synthé et baigné dans une nappe de delays et de reverbs.
Liturgy a présenté, dans la foulée, un excellent concert de jazz metal à base de Black Metal, gorgé de hooks et de rythmes passionnants. Après 15 minutes à peine, le performeur Lucas Abela nous a tous laissé abasourdis. Avec sa bouche, il manipulait un tesson de verre de 50 cm de long duquel il parvenait à tirer, à l'aide de microphones de contact et de quelques pédales d'effets, une noise des plus bizarre.
La noise d'une rare violence du compositeur australien Lawrence English a poussé tout le monde à se ruer sur les bouchons d'oreilles. Plus tard dans la semaine, English a également donné un workshop de 2 jours sur le thème des « field recordings », dont l'objet était de créer une carte sonore de la ville de Cracovie. Lors de son concert à 11h du matin, l'énigmatique artiste d'électronica Rrose a su maintenir, pendant près d'une heure, un silence religieux au sein de l'audience avec sa magnifique composition au gong du "Having Never Written a Note for Percussion" de James Tenney. Elysia Crampton a livré un set tout à la fois étrange et chaleureux, avec un mélange de ce qui ressemblait à des sons de jeux vidéos et de mélodies aux claviers. Si elle constituait un attentat pour les yeux et les oreilles, la performance noise du duo danois Damien Dubrovnic a aussi été l'un des points d'orgue du festival.
Avec un set des plus solide, constitué d'anciennes et de nouvelles compositions, Yves De Mey a réussi à faire danser par intermittence son public – ce qui n'était pas toujours évident compte tenu du caractère déconstruit des beats qu'il tirait de ses instruments. Dominique Fernow peut se targuer d'avoir donné le concert le plus intense du festival avec son projet noise Prurient. Le boss du label Hospital Productions avait quasi totalement perdu le contrôle de lui-même et a joué tout son set avec une rage et une intensité jamais vues.
Le jeudi soir, DJ Richard a chauffé le public dans la grande salle de bal de la mine de sel de Wieliczka. Alors que les 1500 spectateurs descendaient dans la mine à 135m de profondeur via un petit ascenseur, il les accueillait avec un set apocalyptique fait de drones sombres et de hard noise. Les beats et samples ont commencé à claquer à travers les baffles dès l'extinction des lumières – des beats qui portaient la patte de Burial, bien que nous ne saurons jamais s'il était vraiment aux commandes. En tout cas, le tout sonnait extrêmement bien là-bas, dans les profondeurs enfouies sous la campagne cracovienne. Après un court set de Burial, King Midas Sound & Fennesz nous ont livré un concert très sombre mais de toute beauté qui faisait la part belle à l'album « Edition 1 » paru récemment.
Cette année, il y avait aussi une version live de Ephemera, le projet multi-sensoriel (lumière, son, odeur) développé l'an dernier par le festival. Tim Hecker a livré un set live dans une ancienne usine, drapée dans une épaisse fumée, produite par le parfumeur-créateur Geza Schoen. Lorsque le designer lumière berlinois M.F.O s'est mis en prime à éclairer la fumée, on a vraiment eu droit à une expérience unique, longue de 40 minutes.
Au cours des soirées et nuits qui se consacraient plus particulièrement à la dance, nous avons surtout pu apprécier Amnesia Scanner, Holly Herndon (avec Colin Self au chant), Shackleton & Nisennenmondai et Nozinja.
Compte tenu de l'offre pléthorique, de l'agenda chargé et des choix difficiles que nous avons parfois dû faire, nous sommes malheureusement passés à côté de certains artistes. Sur base des réactions que nous avons pu récolter par la suite, les sets de Visionist, Rabit, RP Boo, Kode9, Andy Stott, Aurora Halal et Optimo valaient aussi vraiment la peine.
Vous pouvez retrouver l'ensemble des artistes à l'affiche du Unsound ici.